Résultat du Concours 2023

 

 

 

La nouvelle lauréate du Premier Prix :

Sans regret

ApiSens

 

 

 

La nouvelle lauréate du Second Prix :

La fin de l'hiver

Julien Di Giacomo

 

 

 

Bravo aux gagnants ! 

Et merci aux participants. 
Vous étiez très nombreux à nous faire parvenir vos textes. 
La sélection a été ardue car la qualité était au rendez-vous, 
ce dont nous nous réjouissons.  
Nous avons donc effectué une sélection de 28 nouvelles. 

Vous pouvez dès à présent retrouver le recueil à la vente sur www.bod.fr

Bonne lecture à tous et toutes ! 


Les nouvelles sélectionnées pour le recueil par le jury :

 

 

"Les plages de Besançon" 
Patrick Pelot 
 
"Blind Date" 
Camille Doucet  
 
"Eva à l’heure" 
Baptiste 
 
"Le Viking de la Côte de Nacre" 
Lilith d’Estrée 
 
"Le pommeau de douche"
 Patxi Brodkey 
 
"Invitation numéro Un : Le reflet" 
Cléïs Danslesalgues 
 
"Vendredi soir" 
Pascal Hendrix 
 
"Lune de laine" 
Meredith Dayle 
 
"Des femmes et des sirènes" 
Anthony Havret 
 
"La délicatesse" 
Bastien Autuoro 
 
"Double Jeu" 
Sarah Vermot-Gauchy 
 
"Hormones glory" 
Amy Lorens
 
"La musique de l’eau" 
Dayola P. 
 
"Un bisou fugitif" 
Pascal Labbé 
 
"Mon désir me tue" 
Lou Surya 
 
"Aurore boréale" 
Jean Barraud 
 
"À l’abri des regards" 
Arthur Labarre 
 
"L’écritoire" 
Gilles Eskenazi 
 
"La robe rouge et le tire-bouchon" 
Jean Dufour 
 
"Arabian night"
Ulysse 
 
"La flamme du désir" 
Zahl 
 
"Joëlle" 
Catherine Saint-Cast 
 
"Pièce de théâtre" 
Jean-Paul Villermé 
 
"Prélude impudique" 
Claire Mayer 
 
"Thérapeute sous couverture" 
James AYC
 
"Une main sous les draps" 
Mélanie St-Amant


 

Le recueil est disponible dès à présent sur le site BOD.fr

Et dans une semaine environ, il sera aussi disponible sur fnac.com, Amazon...

En version broché et en E-Book.

Voici le lien direct : 

librairie.bod.fr/28-nouvelles-erotiques-apisens-julien-di-giacomo-9782322518180​​ 

 

Couv baf 2024

 

 

La nouvelle lauréate du Premier Prix :

 

 

Sans regret

ApiSens
 

   
                        Il mit sa main sur mon ventre, embrassant mes secrets, la mer à nos pieds. Il souriait.

J’ai couru, couru à perdre haleine, couru à m’en déchirer les mollets. J’ai couru, hélas jamais aussi vite que l’enchaînement de mes pensées. J’ai eu peur, j’ai douté. Mais rien n’arrête la puissance d’une vie. Ni les doutes ni les peurs, ni les paroles non dites. Pas même les regrets.

En avais-je seulement ?

Regrettais-je mes incursions au camping, ces amis de passage, ces nuits sous les étoiles ?
Regretterais-je jamais ces soirées de jeunesse, ces discussions de rebelles croyait-on, quand le monde se réinventait une chope à la main, le jeans en lambeaux et le cœur grand ouvert ?

C’était son premier été chez nous. Son cousin l’avait convaincu: ce camping en bord de rivière était tranquille, les journées se rythmaient à coup de canne à pêche, de barbecues et – pour les plus courageux – de jolies balades dans les collines alentour. Il n’avait pas parlé des filles du village, pourtant jolies, qui se joignaient aux soirées autour du feu et terminaient parfois dans la tente des plus audacieux. Son cousin n’était pas du genre à soulever les jupes ni à quelques grivoiseries qui font fuir les demoiselles et se retourner les moins farouches. Non, le cousin était plutôt du genre intello-solitaire. Le type qui se sent mieux dans une bibliothèque silencieuse qu’à une table de café. Celui qui plongeait le nez dans un bouquin dès qu’une jeune fille faisait mine d’approcher. On imaginerait un grand maigre regardant le monde à travers d’épais binocles. Et pourtant, étrangement, ce garçon-là était musclé. Et sans lunettes. À force de persévérance, le cousin l’avait convaincu de se joindre pour deux semaines à l’équipée du camping.

C’est ainsi qu’une chaude journée de juillet, je le vis débarquer avec la joyeuse troupe. Je les regardais monter leurs tentes et l’observais lui particulièrement, ce beau gosse un peu gauche. Les jours suivants, il ne participa pas aux concours de pêche ni à celui de pétanque. Il préférait l’ombre de sa tente et l’univers de ses romans, si bien que je n’eus pas l’occasion de faire sa connaissance.

Jusqu’au soir où, éclairé par le feu qui crépitait et quelques lanternes, je le vis se joindre au cercle joyeux que nous formions. Il ne dit rien. Il s’assit sur le sol

entre deux gaillards qu’animait un débat sur les élections américaines. Il fixait les flammes, se contentant d’être là. Je l’observais à la dérobée. Curieux garçon d’entre deux mondes, au corps harmonieusement musclé, les cheveux en bataille et les yeux toujours sur un bouquin. Et ce silence obstiné de celui qui ne s’intéresse pas aux conversations. Le mystère qui s’en dégageait me titillait. Je devais apprendre plus tard que ce soir-là, l’intello était tombé à court de lecture. Son cousin avait limité les bagages et il était arrivé au bout de toutes les pages emportées.

Laissant mes copines les unes en grande discussion, les autres aux baisers enflammés, je m’approchai du mystérieux cousin.
– Viens, je vais te montrer le plus bel endroit de la nuit, l’invitai-je.

Contre toute attente, je le vis se lever et me suivre. Je ne savais pas encore où je l’emmenais. Je savais juste qu’il m’avait suivie, lui ce garçon atypique dont je ne connaissais pas même la voix.

– Aimes-tu nager ? lui demandai-je.
– J’habite à deux pas d’un lac. J’y nage tous les matins, l’entendis-je me répondre d’un timbre profond.
V oilà d’où lui venait ce profil athlétique ! Nous plongeâmes dans la rivière agréablement fraîche. Nous fîmes la course, il me battit à plate couture. Puis je disparus à sa vue, suffisamment longtemps pour qu’il m’appelle. C’est alors que j’attrapai ses jambes sous 
l’eau et réussis à le renverser. S’en suivit une bataille où nos corps se touchaient, se poussaient, s’empoignaient, résistaient, vacillaient et sous prétexte d’un interminable combat, se caressaient. D’abord presque par inadvertance puis de plus en plus précises, les caresses s’enhardissaient. Sa peau était fraîche, mes doigts se ridaient de rester dans l’eau. À la lueur de la lune reflétant dans la rivière, je distinguais un regard profond, avec un petit quelque chose de sauvage. Les boucles de ses cheveux mouillés s’affaissaient, découvrant davantage les angles marqués de son visage. Ses lèvres entrouvertes laissaient échapper le souffle d’un désir contenu. Ses gestes, gauches pour monter la tente, se faisaient précis à ma rencontre. Je sentais ses mains sur mes habits mouillés remonter mon dos, arriver aux épaules, hésiter avant de descendre à la rencontre d’un sein. Quand tout s’arrêta.

Une main à la naissance de mon sein, l’autre sur mes reins, il ne bougeait plus. Je sentais son sexe durci contre ma hanche. Il s’en aperçut et s’écarta légèrement. Sa bouche se referma, ses yeux s’arquèrent en un curieux point d’interrogation. Il attendait. Il n’était pas comme les gars de son âge. Il ne relevait pas les jupes des filles, ne sifflait jamais à leur passage, n’avait pas de mot vulgaire pour les désigner. Il était là, si près de moi, brûlant de désir et ne bougeait plus. L’air grave, il dit :

– C’est toi qui décides.

À quoi je répondis :
– Comment t’appelles-tu ?
– Grégoire.
Je n’hésitai pas longtemps.
– Viens, Grégoire, et je le tirai par la main.
Je l’emmenai dans les herbes hautes de l’Ile aux Cygnes. Bien au sec, je me plaçai de biais à la lune, face à Grégoire et son regard sauvage et ôtai mes chaussures. Lentement, je me redressai, il me regardait, je déboutonnai mon chemisier. Je dégrafai mon soutien-gorge. J’ouvris le bouton de mon jeans délavé et me tortillai pour me libérer du vêtement mouillé. Puis vint le tour de la petite culotte, que je défis avec lenteur et envoyai valser du bout du pied. J’étais nue dans l’air chaud d’une nuit d’été. L’éclat de la lune faisait des ombres sous ma poitrine et entre mes jambes. Quelques gouttes de rivière ruisselaient de mes cheveux sur mon dos, passaient le rebondi de ma fesse, dévalaient ma jambe pour terminer dans l’herbe foulée. Je laissai le regard de Grégoire chercher d’autres gouttelettes, s’attarder sur le sein que la lune éclairait, mes hanches, mes cuisses, puis tendis la main :
– C’est oui.

Il ne prit pas mes doigts. À son tour, il se déchaussa puis déboutonna sa chemise, découvrant la couleur un peu pâle de son torse. Il défit son pantalon de toile (ce n’était vraiment pas un garçon comme les autres), ôta son caleçon américain que l’eau rendait moulant et se redressa, exhibant sans gêne un sexe tendu et luisant que le clair de lune rendait brillant. Où était passé le garçon pataud qui se cachait dans les bouquins ? J’avais devant moi un homme puissant exhalant l’assurance de ce qu’il était.

Il s’empara de mes doigts, les déposa sur sa hanche tandis que s’approchant, il prit mon visage entre ses mains et m’embrassa. Ses lèvres étaient charnues, sa langue pointue. Elle joua avec la mienne, exigeante et généreuse. Elle s’échappa, s’aventura dans mon cou, mon épaule, la naissance d’un bras. Elle se faufila entre mes seins, en fit le tour, vint titiller le mamelon qui durcit, le mordilla gentiment. Puis la langue poursuivit l’exploration de mes secrets. Elle passa sur mon ventre, savoura une hanche, l’autre, longea la fesse. Elle sillonna ma cuisse, le genou, lécha son creux, descendit sur le mollet, la plante du pied, happa mon gros orteil. Elle sauta de jambe, la remonta, lécha l’intérieur tendre de ma cuisse, doucement, lentement. Mon souffle s’accélérait, la langue ralentissait. Elle prenait son temps, goûtait chaque parcelle de peau, éveillait le désir, l’impatience. Petit à petit, elle remonta jusqu’à mon triangle. Dans les boucles de ma toison, un souffle chaud. La langue se fit pointue. Elle chercha. Et puis il fut là : mon bouton de rose. La langue appuya sur cet interrupteur, joua avec lui, l’émoustilla, déclencha des frissons, mon corps se cabra, la langue s’arrêta. Elle se fit chaude et large, elle descendit l’alignement, vint

recouvrir mes lèvres, s’y attarder un moment, gouta le miel, remonta sur mon bouton et quitta ce triangle brûlant. La langue repassa sur mes mamelons en érection, mes seins gonflés de désir, retrouva ma bouche, scella mes lèvres.

Grégoire fut contre moi. Je le voulus, impérieusement, là, tout de suite et il me prit, debout, sauvagement. Ses coups de butoir étaient à mille lieues de la délicatesse avec laquelle il avait parcouru mon corps et j’y répondis. Il mit sa puissance à la hauteur de mon désir : violente, sans appel. Ses mains pétrissaient mes seins, ses hanches claquaient contre les miennes, son sexe me transperçait le ventre. Alors que mon plaisir montait et s’apprêtait à éclater, il se retira soudainement. Je ne m’en tirerais pas comme ça, il n’en avait pas fini avec moi. Il me tourna et me fit plier les genoux. Me voici à quatre pattes dans les grandes herbes. Je n’eus pas le temps de réagir qu’il me prit par derrière. D’abord brutalement puis il ralentit la cadence. Une main arrimée à mes hanches, l’autre cherchant mon sein, il allait et venait à une lenteur insupportable m’arrachant des gémissements. Quand ils se firent grognements, il me fit pivoter sur son sexe, passant souplement ma jambe de l’autre côté, me tint assise sur ses cuisses. Ainsi empalée, il me souleva et me descendit doucement, régulièrement, tandis que mes mains griffaient son dos, que mes dents entamaient sa chair. Après maints allers-retours, le sexe toujours planté dans mon ventre, il me déposa sur le sol. À bout de souffle et torturée de plaisir, je me demandais ce qu’il cherchait encore à extraire de mon corps extasié. Léchant et mordillant seins et tétons, il cadença un va-et-vient rassurant. Mes mains empoignèrent ses fesses, accompagnant les mouvements de son bassin. Bientôt mon dos se cabra, mes jambes se serrèrent sur le cri qui jaillit de ma bouche, ses mouvements s’accélérèrent et enfin, je sentis la bascule de son bassin et son corps qui se tendait dans l’ultime assaut. Un hurlement déchira la nuit tandis que Grégoire s’affaissait sur moi. Quand il eut récupéré suffisamment de souffle, je l’entendis me murmurer à l’oreille :

– Tu as raison, c’est le plus bel endroit de la nuit. Doucement, il libéra son épée de mon fourreau. Je vins embrasser l’arme au repos, lécher le goût de notre rencontre et je souris au valeureux guerrier.

Les jours suivants, je devais le revoir à l’ombre de sa tente, gauche, agrippé aux bouquins que je lui avais prêtés. Mais la nuit tombée, mon intello-musclé redevenait l’amant merveilleux que je regretterais longtemps.

Les deux semaines passèrent vite, beaucoup trop vite. Il rentra près de son lac et, peut-être, d’une petite-amie qui l’attendait.

À la fin de l’été, je dus me rendre à l’évidence : la vie avait germé. Malgré tout, je repris le chemin de l’école. Au fur et à mesure que j’avançais dans ma rhéto, mon ventre grossissait. Je n’allai pas jusqu’au diplôme, une petite tête bouclée me fit interrompre mes études aux vacances de Pâques. Grégoire avait eu 18 ans, était parti étudier, ne revint pas au camping l’été suivant.

Les années qui suivirent furent nourries de petits boulots, de maladies d’enfance et de quelques corps d’hommes. Aucun ne me donna le plaisir de l’Ile aux Cygnes. Jusqu’à l’été de ses cinq ans.

Il était bouclé, avait quelque chose de sauvage dans le regard et me souriait sur une plage de vacances.
– Maman, viens voir mon château de sable !
– Après mon chéri, laisse-moi terminer mon bouquin. J’allais replonger dans la romance quand un corps musclé tout juste sorti des flots s’avança vers moi. Ses épaules un peu pâles luisaient au soleil, ses cheveux mouillés laissaient apparaître les angles de son visage. Sa démarche était souple, se dégageait de lui quelque chose qui me titilla. Arrivé à ma hauteur, il demanda d’un timbre profond

–Que lisez-vous qui fasse attendre un château de sable ?

Soudain, mes mains furent moites, le paysage devint flou, je me sentis vaciller. Il s’agenouilla à mon côté, m’aida à reprendre mes esprits. C’est alors que ses yeux s’arquèrent en ce curieux point d’interrogation et que j’éclatai de rire. Un rire profond, immense, un rire de plusieurs années.

Ce soir-là et tous les soirs de ces trop courtes vacances, mon fils endormi dans la tente, je partis sous les étoiles à la rencontre de Grégoire.

 

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